Christophe Clergeau : un socio-démocrate à Bruxelles
- Eva Montford
- 15 févr. 2024
- 4 min de lecture
Si vous vous êtes déjà demandé comment entrer en politique, peut-être le parcours de Christophe Clergeau, aujourd’hui député européen, pourra vous inspirer… Invité par Our Hope mercredi 24 janvier, c’est avec un grand sourire qu’il a échangé avec nous !
D’accord, mais d’abord : qui est Christophe Clergeau ?
C’est un socialiste, un socio-démocrate. Vous pensiez l’espèce en voie de disparition ? “Ne nous enterrez pas trop vite,” répondrait le député et les Jeunes Socialistes, qui assistaient à l’intervention (en attendant d’entraîner le parlementaire dans une visite de Lille par les bars…).
Mais restons sérieux : qui est Christophe Clergeau ?
Il fait partie de l’Alliance Socialistes et Démocrates du Parlement européen, parti qui compte pour 1/5 de l'hémicycle. Ça vous parait peu ? Eh bien ça ne l’est pas. Na ! Le Parlement fonctionne à la proportionnelle, donc détenir 1/5 de ses sièges, c’est déjà peser sur les décisions politiques.
Mais l’arrivée de Christophe Clergeau sur les bancs de ce parti n’a pas été immédiate. Disons même : elle n’a rien d’une évidence. Ancien élu local, très ancré sur son territoire, il l’avoue : pas facile de s’adapter au cadre européen. Il a beau avoir déjà eu des mandats, agir au niveau local et agir au niveau continental, ce n’est pas la même paire de manches.
Est-ce que ça veut dire qu’il y a une formation pour devenir député ?
Non, et c’est pour ça que Christophe Clergeau assure que son mandat européen s’inscrit dans la continuité de son parcours. En quoi ? Car entre ses différentes fonctions, il y a des convictions : celles que comprendre et agir pour le monde doivent guider l’action politique. Exit donc l’idée qu’être à Bruxelles serait le lot de consolation de ceux qui n’auraient pas de mandats nationaux, type député à l’Assemblée…
Lot de consolation ? Laissez-moi rire, dirait plutôt l’élu (il ne l’a pas dit). Si l’on voyait ce mandat comme un lieu de relégation (plutôt ça que rien), on ne comprendrait pas que l’UE puisse agir. Or, elle agit, et les décisions prises au Parlement européen ne sont pas étrangères à cette capacité d’action.
Un exemple.
Christophe Clergeau est membre de la délégation pour les relations avec le Mercosur. Or récemment, un accord avec les pays d’Amérique Latine a été rejeté par le Parlement. Pourquoi ? Parce que l’accord proposé est un accord de libre-échange, qui s’inscrit dans le cadre d’un marché ouvert. Pour un socialiste comme Christophe Clergeau, dire que cette mesure est une mauvaise idée serait un euphémisme. Explication ? Le libre-échange, tel qu’il est pensé, pourrait se faire au détriment des populations. Il faut donc poser des règles, afin d’assurer la souveraineté de l’Europe sur ses échanges, et s’assurer que les partenariats qu’elle met en place s’inscrivent dans un projet commun centré sur le respect des valeurs de l’UE. Si l’on en revient à l’accord avec le Mercosur, ces conditions ne semblaient pas respectées.
Evidemment, le risque est que les pays du Mercosur se tournent vers d’autres acteurs de l’UE pour organiser leurs échanges, mais ça, le député ne l’a pas mentionné.
Des valeurs.
Venant du membre d’une institution que l’on dit souvent trop technique, cette attention aux valeurs peut paraître contre-intuitive. Ça ne devrait pas. Après tout, le Parlement européen est un lieu de perpétuelle négociation, un espace d’échanges pour parvenir à des compromis. Habermas serait fier à en croire notre député !
Mais parlons concret. Si l’on veut se convaincre du climat de perpétuelle discussion qui règne au Parlement, il n’y a qu’à se pencher sur la définition de son ordre du jour. Saviez-vous que la détermination des noms de chaque débat fait justement débat ? C’est parce que selon les formulations, chaque thème n’oriente pas vers les mêmes points de vue. Exit donc l’idée d’une institution froide où tout le monde suivrait une feuille de route prémâchée.
En parlant de feuille de route : quid des campagnes pour les européennes ? Celles-ci approchent !
A cette question, Christophe Clergeau répond ceci : “j’ai justement une réunion à Londres pour en discuter.” Si l’on voulait du concret, nous voilà servis… Mais de quoi sera-t-il question à Londres (vous avez remarqué, il va à Londres… Londres ? Oui, Londres) ? Il sera question de s’accorder sur le Manifesto, le programme de campagne du parti. Tout un sujet ! Comme les partis regroupent des élus venant de toute l’Europe, qui ne partagent pas forcément la même culture politique, n’ayant pas toujours les mêmes normes électorales, il n’est pas facile de s’adapter à chaque contexte national. Donc, il faut discuter, faire des compromis. Il faut réussir à coordonner les socialistes catalans et madrilènes. Bon courage…
Un point met toutefois tout le monde d’accord : lutter contre le populisme ou plutôt, contre des discours qui veulent faire croire qu’ils pourraient tout changer, sans que rien ne change.
Comment faire ? Christophe Clergeau mentionne l’idée d’une collègue allemande : “il faut qu’on soit des boring socialistes.” En gros, il faudrait parler du “très concret”, et montrer comment ce concret éclaire un avenir commun. C’est beau non ?
C’est beau, et nécessaire ! Les élections européennes sont souvent perçues comme des élections de second ordre, alors qu’en vérité, elles seraient les deuxièmes élections qui mobilisent la population ! Contre-intuitif ? Oui, mais cela rend le combat d’autant plus âpre contre les extrêmes, qui surfent sur l’image d’une Europe impuissante ou trop restrictive. Le risque est donc que leurs scores montent au zénith, bien que les sondages révèlent qu’en fait, les récentes crises COVID ou Ukrainienne ont bien montré que l’UE n’était pas si inutile que ça…
Comment expliquer ce paradoxe ? Il est commun à tous les pays, même si en France, le phénomène majore. En cause, une méfiance à l’encontre de l’UE, typiquement française, qui entraîne la méfiance des autres membres de l’Union à notre encontre. Bel exemple d’effet boomerang… Mais Christophe Clergeau ne désespère pas. L’opinion évolue. Le mythe du désintérêt pour l’Europe se dilate peu à peu, et l’engagement des jeunes n’est peut-être pas si étranger à ça… Merci Our Hope !
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