Le journaliste a-t-il bonne presse de nos jours ?
- Eva Montford
- 3 mars 2024
- 3 min de lecture
Pas vraiment, non. Un sondage Viavoice a révélé en mars 2023 que 84% des Français estimaient que le journalisme était indispensable au fonctionnement démocratique. 84%, c’est mieux que le taux de participation aux élections, mais étant donné que ce chiffre a baissé depuis l’année dernière, il n’y a pas de quoi se vanter, d’autant plus que ce score n’a jamais été aussi bas. Mais pourquoi ? Plusieurs raisons. Le ton anxiogène de la majorité des médias, le manque de diversité de l’information relayée, la baisse de confiance à l’encontre des journalistes... Ajoutons à cela le sentiment d’une détérioration de la qualité des nouvelles, et on comprendra mieux la perte de crédit de la profession de journaliste.
Le monde court-il à sa perte?
Qu’on fasse entrer l’accusé !
Messieurs et Mesdames les journalistes, les charges qui pèsent sur vous sont graves. Vous suscitez le dégoût des Français vis-à-vis de l’information ! Entre pandémie mondiale, guerre en Ukraine, urgence climatique, tensions au Proche-Orient, ou émeutes en France, on s’étonne que vous n’ayez pas encore prédit la fin du monde. Face à cet assaut catastrophiste, les Français vous opposent leur ras-le-bol ! Assez de toutes ces nouvelles apocalyptiques !
La parole est à l’accusé.
Permettez-moi, au nom des journalistes, d’objecter. Vous dites que les médias se font le relais de d’informations anxiogènes. Mais est-ce de notre faute à nous, médias, si les nouvelles du monde sont si peu engageantes ? Notre rôle n’est-il pas de transmettre le sujet des principaux débats qui habitent notre espace public ? Certes ! Certains médias font leur beurre sur l’anxiété que peut provoquer certaines nouvelles, telles les chaînes d’information en continu. Mais en y réfléchissant, n’est-ce pas notre propre inconfort face à ces sujets, dont la violence est réelle, qui nous conduit à incriminer les journaux ? Encore une fois, est-ce de notre faute si l’actualité est ce qu’elle est ? Et puis…
... qui dit que le monde court à sa perte ?
Que demande-t-on au journaliste ? En France, on lui demande de l’esprit critique, de la véracité, de l’exactitude, de l’intégrité, de l’équité, et de l’impartialité. Véhiculer des fake news, donc, ne fait pas partie du métier. En revanche, s’attacher à donner une information vérifiée, précise et correcte est vivement conseillé.
Quel est le problème alors ? L’accusation pointe que les médias seraient un miroir déformant de l’actualité, qu’ils la grossiraient intentionnellement pour servir des intérêts particuliers, pour « faire de l’audience ».
Il est vrai qu’exagérer ou minimiser certaines informations revient à mal les traiter. Pour correctement faire son travail, le journaliste doit s’engager à fournir des nouvelles vérifiées. Évidemment, celui-ci n’est pas un surhomme. Mais il est de la responsabilité du monde médiatique auquel il appartient d’apporter un regard critique sur son travail, afin d’éclairer au mieux le citoyen.
Résumons : ce qui fait qu’un journal pourra fournir une information de qualité, c’est sa capacité à exprimer le plus de points de vue possible sur un même sujet, sa capacité à diversifier ses canaux d’informations. Problème : on accuse les médias de se répéter. Or, s’il y a un manque de variété dans l’offre médiatique, c’est moins parce que les médias ne traitent pas assez de sujets différents, que parce que les manières dont les sujets sont traités paraissent toutes se ressembler.
Liberté d’expression
Le lien à l’information existant entre la société et les journalistes n’est plus le même. L’essor des réseaux sociaux a révolutionné nos modes d’informations, souvent aux dépens de la rigueur… Les normes de vérification auxquelles sont soumis les médias traditionnels ne sont, de fait, pas les mêmes sur le net. Fausses informations ou complotismes en tout genre pullulent, et risquent de contaminer le champ médiatique lui-même. Certains journaux en ont déjà fait les frais, et ont été contraints de retirer certaines informations, celles-ci s’étant révélées inexactes.
Les journalistes doivent répondre à la demande de variété des citoyens. Autrement, comment ne pas comprendre que les citoyens veuillent se tourner vers d’autres canaux de diffusion ? L’information, c’est comme les fraises. Quand on en mange trop, on fait une diarrhée. Or, quand on a la diarrhée, comment faire pour se soigner ?
Il faut irriguer les canaux de l’information de nouvelles méthodes de travail capables de répondre à la demande de diversité de l’offre médiatique, et de fournir une information de qualité, indispensable pour éclairer le citoyen. Dans ce cadre, le Fact checking, le journalisme de solution, ou encore la participation du public sont tout un ensemble de propositions qui font leur chemin dans l’opinion, et qui gagnent en crédit au point que certains grands médias dédient désormais des rubriques, chroniques, articles à ces nouvelles pratiques.
Cultiver la diversité de l’offre journalistique est un combat constant, qui conditionne autant la survie des médias que l’avenir de notre démocratie. Par cette pluralité des manières de traiter l’information, préservons la pluralité des moyens de s’exprimer.
Eva Montford





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